"Les 24 Heures du Mans, c’est un long sprint" by Jacques Morello

20 avril 2024

Jacques Morello, associé et directeur technique de TDS Racing, explique la spécificité du circuit des 24 Heures du Mans et les réglages qu’il faut adopter.

 

 «Les 24 Heures du Mans, c’est un long sprint où il faut aller vite tout en évitant les embuches. C’est une course que nous abordons comme les autres sauf qu’elle dure environ deux semaines. Mais la préparation commence bien avant le mois de Juin. Déjà, en Janvier, nous nous occupons de tout ce qui est commandes de pièces et des plannings. Ensuite, on se plonge réellement dans la course du Mans un mois ou un mois et demi avant avec les caisses à outils, les pièces de secours, le chargement de la voiture et du camion qui arrive le mercredi avant les essais tests.

Le circuit des 24 Heures du Mans est un circuit routier où le grip évolue beaucoup entre la journée test, les qualifications et la course. Il y a trois différentes portions bien distinctes concernant l’adhérence : celle du circuit Bugatti où il y en a beaucoup, celle de la route nationale empruntée tous les jours par les véhicules de tourisme où l’adhérence est moins présente et toute la partie Tertre Rouge, Esses Porsche et Karting où la piste est dite « verte », c’est-à-dire qu’il n’y a aucun grip.

Par rapport aux réglages, il faut donc anticiper du fait de cette spécificité. Le jour de la «Journée Test», nous partons avec une base qui peut ne pas être la bonne pour faire les premiers dix tours mais qui sera la plus constante possible. La matinée des essais test, nous faisons rouler les pilotes et la voiture, nous ne cherchons pas la performance ni à régler l’auto. Le but est la découverte du circuit et de la voiture pour les pilotes. Au fur et à mesure des tours et des séances d’essais libres et qualificatives, on affine les réglages en fonction de ce l’on a vu, du ressenti des pilotes, de l’aérodynamique, de la météo, de la température de la piste, de l’adhérence, etc…

Il y a un compromis à trouver. D’un côté, il y a la grande ligne droite des Hunaudières qui fait près de 7 kilomètres. La vitesse de pointe est donc un facteur important. De l’autre, le secteur 3, qui comprend les Esses Porsche, le Karting et le Raccordement, où il faut de la charge aérodynamique. Cela reste néanmoins un circuit très basse charge. D’ailleurs, il n’y a qu’au Mans où les LMP2 approchent les 300 km/h et ce à quatre endroits différents !

Il faut donc une voiture facile à piloter, sûre et très stable car, contrairement à d’autres circuits où il y a des bacs à sable, on n’a pas le droit à l’erreur. Il y a beaucoup de trafic en piste et, à la moindre erreur, c’est dans le mur ! Il faut aussi qu’elle ne consomme pas beaucoup mais là il n’y a pas grand-chose à faire si ce n’est que l’on peut jouer sur les cartes moteur. Etre rapide sur un tour n’est pas forcément important, il faut être rapide sur la durée.

Un autre élément pour une course aussi longue rentre en ligne de compte : la fiabilité. Nous changeons tout sur la voiture. Nous faisons la journée Test et au fur et à mesure de la semaine, nous reconstruisons toute la voiture afin d’arriver le vendredi soir, avant la course, avec une voiture toute neuve. Comme les pièces sont changées, à priori, nous ne devons pas avoir de souci de fiabilité mais cela reste de la mécanique. Sur le plateau des 20 voitures en LMP2, il y en a pourtant beaucoup qui tombent en panne. Donc nous changeons tout et nous contrôlons tout au long de la semaine. Nous avons les kilométrages de chaque pièce de la voiture et en fonction de la durée de vie de chacune d’entre elles, nous les changeons plus ou moins tard dans le week-end. Certaines ont une durée de vie de 6000 kilomètres par exemple, nous les changeons donc juste avant la course car elles ont déjà été utilisées lors de la journée test, des essais libres et qualificatifs !  

Du point de vue personnel, c’est une semaine éprouvante. Cependant, je l’aborde comme une course normale sauf que j’essaie de m’économiser davantage. Nous utilisons les mêmes méthodes de travail que sur des courses de 4 Heures en European Le Mans Series ou de 6H en WEC. Le plus compliqué dans cette course est la gestion des pièces et de tout ce qui est logistique. Ensuite, ma façon de réfléchir et d’aborder les choses reste exactement la même. »